Il y a déjà plusieurs semaines que j’ai envie d’écrire à propos de nos entrepreneurs – de ceux qui font des pieds et des mains pour que leur PME traverse la crise, qui gèrent (ou préparent) leur relance, sans trop savoir si c’est pour de bon. Ceux qui, depuis des semaines, tentent de sauver les emplois qu’ils ont créés, au meilleur de leurs capacités.
J’ai beaucoup d’admiration pour ces leaders qui tentent de rassurer leur équipe, alors que le bateau menace de couler. Eux qui s’inquiètent de la santé physique, psychologique et financière de leurs employés, malgré toute la pression qui pèse sur leurs propres épaules.
Lors du dernier épisode[1] du balado Question d’intérêt animé par Gérald Fillion, trois entrepreneurs exposaient leur réalité. « Disons que ça a été très mouvementé […] perdre 95% de son chiffre d’affaires en l’espace de 24 heures, ça nous amène à prendre des décisions, à poser des gestes qui ont de lourdes conséquences non seulement sur l’entreprise, mais sur la vie des gens, puisque nous […] avons mis à pied temporairement tout près de 85% des employés. [Ce sont] des gestes qui sont difficiles sur le plan émotif, parce que comme entrepreneur, moi j’ai toujours dit que ma grande satisfaction, c’était la création d’emploi », s’est confiée Christiane Germain, co-présidente de Germain Hôtels.
Dans mon métier, je suis amenée à conseiller les entrepreneurs, à leur faire prendre conscience des besoins et des perceptions de leurs employés... mais je me demande parfois qui prend soin d’eux. Parce qu’avant d’être des employeurs, ce sont, eux aussi, des humains sensibles, en proie au stress. Bien que plusieurs soient habitués à prendre des décisions difficiles, la pression qu’ils subissent depuis plusieurs semaines est vraiment intense.
Réinventez-vous, qu’ils disaient.
La vérité, c’est que le fameux pivot n’est pas accessible à toutes les organisations.
La vérité, c’est que les prêts et les subventions ne suffisent pas toujours. Sans compter qu’il faudra bien rembourser les prêts une fois la crise passée.
La vérité, c’est que ça prend de l’énergie en titi, aussi, se réinventer…
On lit beaucoup qu’il est normal pour un employé de ne pas arriver à maintenir la cadence, que les employeurs doivent être compréhensifs. 100 % d’accord. Mais n’oublions pas que les employeurs « en arrachent », eux aussi.
C’est pourquoi il faut faire attention à ne pas condamner les entrepreneurs qui ont choisi, le cœur brisé, de mettre du personnel à pied pour protéger la pérennité de leur entreprise.
C’est pourquoi, en plus des initiatives d’achat local, l’entraide dans le secteur des affaires est si importante en ce moment.
Notre pilier économique
Au Canada, la contribution économique des PME est estimée à un peu plus de 50% du PIB. De plus, celles-ci représentent 99,8% du nombre total des entreprises canadiennes, et elles sont responsables de tout près de 90% des emplois existants dans le secteur privé. Ce n’est pas tout : ce sont elles, aussi, qui génèrent la grande majorité des nouveaux emplois au pays – plus de 85%, pour être exacte.
Au Québec, le phénomène est encore plus important (la moitié des PME du Canada se retrouvent au Québec et en Ontario, et 98% des emplois du secteur privé sont créés par des PME).
Distribution de l'emploi des entreprises du secteur privé selon la taille de l'entreprise (Canada)
Source : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2017)
Contribution à la croissance nette de l'emploi des entreprises du secteur privé par tailles d'entreprises au cours de la période 2013-2017 (Canada)
Source : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2017)
En d’autres termes : alors qu’elles génèrent un peu plus de 50% du PIB canadien, les PME sont responsables de verser l’écrasante majorité des salaires dans le secteur privé. Je ne suis pas économiste, mais le ratio de redistribution de la richesse semble pas mal plus intéressant par rapport à la grande entreprise…
Notre bien-être collectif, dans le système actuel du moins, passe par la survie des PME.
Diversité et résilience
Avec les changements climatiques et la perte de la biodiversité sur terre, on entend de plus en plus parler de l’importance de la diversité dans un système, pour que celui-ci soit résilient. Le principe est simple : le système ayant plusieurs composantes différentes est généralement plus résilient que celui qui en a peu.
Cela est vrai en agriculture, et ce l’est aussi pour notre économie. Ainsi, comme le nommait Joëlle Noreau, économiste principale au Mouvement Desjardins dans un article de Les Affaires, les PME « permettent de renforcer et de diversifier le tissu économique ».
Et cela fait plein de sens : en misant sur une économie de PME œuvrant dans des secteurs variés, on mitige le risque qu’une crise comme celle que l’on vit en ce moment mette en péril la sécurité financière du Québec. Ça revient, finalement, au principe de diversification de portefeuille en finances. Sans compter qu’en étant plus petites, nos PME sont capables de plus d’agilité et d’innovation … ce qui contribue à la résilience de notre économie.
Raison de plus pour soutenir nos PME dans la relance.
Raison de plus pour s’assurer que les meilleurs talents continuent à avoir envie de travailler pour elles en faisant en sorte qu'elles puissent demeurer compétitives comme employeur.
Raison de plus pour épauler les entrepreneurs qui les supportent, ne serait-ce qu’en reconnaissant leur contribution à la société, et en les remerciant.
[1] Épisode du jeudi 21 mai 2020 : Les entrepreneurs pourront-ils traverser la crise?
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